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dimanche, 07 avril 2024

DES SPÉCIALISTES COMME ...

... S'IL EN PLEUVAIT !!!

Aujourd'hui, nous plaignons le praticien d'un métier trop souvent vilipendé : le journaliste. Car à l'instant où il naît professionnellement à son métier, je veux dire : le jour de la remise solennelle de son diplôme en véritable parchemin d'âne (ben si : on dit précisément "peau d'âne"), le journaliste reste un être profondément, essentiellement, définitivement et cosmologiquement embryonnaire, imparfait, incomplet. Bref, le journaliste fait partie de ces groupes humains que l'on désigne en novlangue, avec un zeste de distance mêlée de commisération, « en situation de handicap ».

C'est humain : quelle que soit la spécialité à laquelle il se destine, il ne peut pas tout savoir. Mieux : il n'a pas le droit de sortir de lui-même l'intégralité des informations qu'il est chargé de délivrer.

C'est la raison pour laquelle les organisateurs de la profession recommandent au futur journaliste de cultiver l'art de s'entourer, je veux dire de donner de la légitimité au thème et aux contenus qu'il développe en ne s'exprimant pas en personne, mais par le truchement d'un professionnel qualifié dans le domaine du savoir dont il traite.

Celui-là, appelons-le, si vous le voulez bien, le SPÉCIALISTE. J'ignore si le journaliste dispose d'un budget qui lui permette de rémunérer l'intervention du spécialiste. Ce qui m'intéresse ici, c'est l'infinie biodiversité qui règne dans les rangs de cette famille animale, de l'espèce la plus banale et la plus générale (mettons "historien", ou à la rigueur "sociologue") à la plus surprenante, en passant par toute une guirlande bigarrée de branches improbables.

Ci-dessous, quelques exemples picorés au hasard de mes écoutes radiophoniques (je fournis toutes les références pour permettre aux curieux de vérifier que je n'invente rien).

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Spécialiste de la gouvernance des migrations (France Culture, 11 novembre 2022 à 12h30).
Spécialiste des îles Andaman (France Inter, 11 novembre 2022, vers 13h24).
Spécialiste des relations armées / société (France Inter, 11 novembre 2022, vers 18h39).
Spécialiste de la morphogénèse (France Inter, 13 novembre 2022, vers 19h46).
Spécialiste des Jeux Olympiques (France Inter, 14 novembre 2022, vers 6h15)
Spécialiste de la Chine contemporaine (France Culture, 14 novembre 2022, vers 12h38).
Spécialiste des droits des médias (France Culture, 25 juillet 2023, vers 7h23).
Spécialiste des droits de l'enfant (France Culture, 25 juillet 2023, vers 7h34).
Spécialiste de la grande distribution (France Culture, 1 août 2023, vers 7h25).
Spécialiste des punaises au Muséum National d'Histoire Naturelle (France Culture, 5 octobre 2023, vers 7h05).
Spécialiste des actions anticorruption (France Culture, 28 décembre 2023, vers 7h07).
Spécialiste de la littérature russe (France Culture, 28 décembre 2023, vers 7h45).
Historien spécialiste de l'édition (France Culture, 29 décembre 2023, vers 8h14).
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Bon, j'arrête ici, avant l'indigestion. Il va de soi que ne figure dans cette liste qu'un minuscule échantillon de l'impressionnante panoplie offerte à l'auditeur par les ondes radios du service public. Il va de soi que j'éprouve un peu de pitié pour les gens qui font profession de journalisme : vous vous rendez compte ? Obligés d'effacer leur présence derrière les savoirs dûment estampillés de gens qui ont fait leur pré carré d'un petit champ du savoir, précisément délimité et cloisonné ? C'est la dure loi du métier de journaliste : s'absenter de lui-même, ne pas exister par lui-même, disparaître.

Que la profession journalistique dans sa globalité et sa diversité veuille bien trouver ici l'expression de ma plus profonde compassion.

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