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vendredi, 20 février 2015

VIALATTE FOR EVER

Chronique des livres et des boas.

 

Les paroles s’envolent, dit le proverbe. « Les écrits également », ajoute Jacques Brenner. Et c’est bien vrai. Nés à peine de huit jours, ils font trois tours autour du clocher, comme l’hirondelle, et disparaissent au loin, tel un souci mesquin.

 

Du moins le croit-on. Mais l’expérience prouve le contraire. Je viens de jeter un coup d’œil sur mon appartement : les écrits restent, il n’y a pas de doute. En piles. De 2 mètres de haut. Ou alors de 1 mètre 80. Quelquefois de 50 centimètres. Mais c’est bien rare. Bref, de toute taille. Des quintaux de livres, des mètres cubes. Et chez mes confrères également. Les écrits restent. C’est un lest. Il y a là de tout : de la « science-fiction », du policier, de l’amour, des drames, du rire, des aventures, du possible et de l’invraisemblable ; et surtout du psychologique, du « social » et du « sexuel » (c’est à la mode, c’est l’excipient) : tout cela se mêle et s’entrelace, s’amalgame et fermente doucement. Il en naît un fumet spécial, grisâtre, et pas désagréable, un peu pesant, comme l’oxyde de carbone, dont la majeure partie s’envole – c’est l’âme des livres – et dont le reste intoxique légèrement ; quant au corps même, quant au pesant cadavre, il demeure, matière inerte,trop lourd et trop volumineux pour qu’on parvienne à le disséquer de façon sérieuse. Et c’est ainsi que les écrits restent. Inutilement. En même temps que leur âme s’évapore. Le critique est là, qui veille des morts.

 

Alexandre Vialatte,

Chroniques de La Montagne,

1er septembre 1964.

 

C'est juste admirable.

 

Voilà ce que je dis, moi.

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