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dimanche, 16 mars 2014

31 BALZAC : L’AUBERGE ROUGE (1831)

L’Auberge rouge raconte une histoire courte, tragique et bien troussée. Et finalement très morale. Elle mêle habilement les circonstances passées du récit et la présence à table, ignorée de tous les convives, de l’un de ses protagonistes. A noter qu’elle a été classée par l’auteur dans les « Etudes philosophiques ».

 

L’un des commensaux demande à « monsieur Hermann » de raconter « une histoire allemande qui nous fasse bien peur ». Celui-ci s’exécute. Balzac prend un malin plaisir à vous dresser un portrait d’Allemand comme on n’oserait plus en écrire. J’exagère : « En homme qui ne sait rien faire légèrement, il était bien assis à la table du banquier, mangeait avec ce tudesque appétit si célèbre en Europe, et disait un adieu consciencieux à la cuisine du grand Carême ».

 

L’histoire que raconte Hermann (« Hermann hiess er », chante Nina Hagen dans son album Unbehagen) est celle de deux jeunes chirurgiens militaires, qui accompagnent l’armée d’Augereau du côté de Coblentz. Dans la ville d’Andernach, Prosper Magnan et son ami (surnommé Wilhelm dans le récit) sont logés dans une auberge et passent la soirée à sympathiser avec un négociant, le verre à la main, comme de juste.

 

Celui-ci leur confie étourdiment, au cours des libations, qu’il voyage avec « cent mille francs en or et en diamants ». En se serrant un peu ils dormiront tous  trois dans la même chambre. Prosper est tellement tenté par le trésor du négociant qu’il sort de sa trousse un instrument tranchant et se prépare au crime. Mais au moment de l’accomplir, il est saisi d’horreur, et va passer un bon moment à tenter de calmer la fièvre de ses sentiments contradictoires. Puis il s’endort. 

AUBERGE ROUGE.jpg

Mais au matin, il se réveille dans une mare de sang. Son compagnon a disparu, et le cadavre du négociant gît sur le lit. Mis en prison par les militaires français, il est à mille lieues d’imaginer son ami coupable du forfait et, devant le tribunal, prend même sa défense. Il est évidemment condamné, et fusillé dans la foulée, après avoir eu le temps de raconter son histoire à Hermann, le narrateur du banquet.

 

La trouvaille géniale de Balzac est d’avoir placé à la même table, un autre narrateur, à qui il arrive aussi de dire « je » et, en face de lui, un ancien fournisseur des armées impériales du nom de Taillefer, qui a fait fortune grâce à ce commerce. Ce procédé permet à l’auteur d’enchâsser un autre récit dans celui de Hermann : ce sont les observations faites par ce deuxième narrateur pendant le banquet.

 

Car l’histoire racontée par Hermann semble troubler beaucoup le Taillefer en question, d’autant que ce trouble s’accentue au fur et à mesure de l’avancée du récit. Le prénom de Frédéric revient à la mémoire de l’Allemand, et à ce moment, Taillefer se couvre le visage de sa main.

 

Je passe sur le fait que le deuxième narrateur courtise la fille de l’ancien fournisseur, inutile déviation ou diversion qui complique et alourdit inutilement. On a compris que Taillefer est le nom du compagnon du condamné, et que c’est lui le coupable du meurtre. La dernière partie de L’Auberge rouge déroule l’action du bras justicier qui va punir le meurtrier de longues années après son forfait.

 

Ce bras est celui du deuxième narrateur, bien décidé à jouer les chevaliers blancs. La fin du récit part malheureusement dans plusieurs directions, ce qui brouille les pistes et affaiblit l’effet narratif. Enfin, c’est mon avis. Toujours est-il que l’histoire s’achève sur l’enterrement de Jean-Frédéric Taillefer, coupable d’avoir bâti toute sa fortune sur un assassinat. Enfin châtié, se dit le lecteur, profondément moral.

 

Malgré la fin, L’Auberge rouge reste un récit percutant.

 

Voilà ce que je dis, moi.

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