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samedi, 13 avril 2013

POLITIQUES : TOUS POURRIS 3/3

 

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UN JOLI CAS D'HYDROCEPHALIE

 

***

J’ai parlé de l’état de pétrification (c'est d'ailleurs curieux : la fossilisation semble ne pas faire obstacle à la putréfaction) avancée dans lequel se trouve la classe politique, du fait de l’organisation légale de la sélection de son personnel, caractérisée par la possibilité de passer sa vie dans les fonctions électives officielles, et même de cumuler ces fonctions. Ce que j’ai appelé la durée et la surface.

 

Tiens, est-ce que Gérard Collomb, grand-maire de Lyon, ne pourrait pas envisager de retourner enseigner le français, le latin et le grec dans un bon lycée ? Ah, on me dit qu'il serait mis à la retraite ? Eh bien en voilà encore une idée qu'elle est bonne ! Que dirais-tu d'un repos bien mérité, Gérard ?

 

Tout cela fait un paysage figé, où les bobines électorales visibles sur les affiches sont à peu près les mêmes d'un siècle à l'autre, d'un millénaire à l'autre. Pensez que Jules Cés... euh non, Jacques Chirac n'a jamais payé de loyer pour ses logements successifs : Hôtel de Ville de Paris 1977-1995, Palais de l'Elysée 1995-2007. Quarante ans à l'oeil, quarante ans aux frais de la princesse, y compris les frais de bouche. Après relecture, on va ôter dix ans, pour faire vraisemblable. Trente ans, ce n'est pas mal quand même. Un rat dans son gruyère : il n'y a pas d'autre mot. Et le docteur Alzheimer qui arrive pour finir, très opportunément. Tout effacer. A pu ! Pschitt !

 

Pour terminer cette poussée d’urticaire anti-politique, je voudrais mettre sur la sellette un autre vice de fond dans la sélection des élites politiques de la France.

 

Tout le monde a remarqué, je pense, que la population française est composée, à peu près à parité, d’hommes et de femmes. Que ces hommes et femmes sont d’âges très variables. Que la couleur de leur peau ne se résume pas à la blancheur. Que les tailles, les carrures et les poids sont extrêmement divers. Tout ça porte un nom : diversité. C’est même devenu une rengaine, un leitmotiv, une ritournelle, parfois une scie insupportable, bref, un refrain que certains entonnent régulièrement sur le ton de la revendication, voire de l’acrimonie.

 

Or quand on regarde du côté des palais de la république, le « Bourbon » et le « Luxembourg », magie-magie, on trouve une seule variété ethnique, qu’on définit ainsi : un homme, un blanc, un quarantenaire-cinquantenaire bien tapé, un bien nourri. On est bien obligé de constater que cette population précise diffère grandement de la population générale. Première anomalie.

 

Ensuite, si on revient aux gens ordinaires qui forment la population française (j’hésite à parler de « peuple français », parce que je me demande s’il existe encore), on note que certains sont sortis de l’école à seize ans et que d’autres sont devenus, par exemple, médecins, après dix ans d’études. La moyenne scolaire globale ne doit pas atteindre des Everest.

 

Or le « Bourbon » et le « Luxembourg » sont peuplés, dans leur immense majorité, des gens qui ont en général fait les plus longues études. Toujours en général, c’étaient même des très bons élèves, genre premiers de la classe. Ceux que, quand j’étais lycéen, on appelait les « polars » (pour « polarisés », parce qu’ils ne pensaient qu’au travail et au prix d’excellence à la fin de l’année). Pas tous, évidemment, mais j’attends que quelqu’un conteste que ce soit une tendance lourde et majoritaire. C’est la deuxième anomalie.

 

Résultat des courses ? La France est gouvernée par un tout petit monde. Le tout petit monde des premiers de la classe (mais un premier de la classe ne fait pas un chef : ce qui fait un chef n'est pas la meilleure copie rendue au prof, c'est d'abord un caractère). La France est devenue la République des bons élèves. Une HOMOGÉNÉITÉ  absolument remarquable. Tous fabriqués par le même logiciel intellectuel. 

 

Entre ces gens, les différences sont infinitésimales. Les similitudes, au contraire, sont criantes. Et ce tout petit monde est généralement habité par un sentiment aigu de la paroi qui sépare un dedans chaleureux et compréhensif d'un dehors hostile, mauvais et non-initié, comme dans n'importe quelle secte. Cela vous fabrique une CASTE en bonne et due forme. Qui tient à la fois de celle des brahmanes (c'est pour le côté aristocratie, à l'abri de la valetaille) et des "intouchables" (c'est pour le sentiment d'impunité judiciaire).

 

Tous ces gens ne regardent la réalité de la "population générale" qu'à travers des jumelles, et n'en ont une connaissance qu'une fois passée par le filtre d'une multitude d'intermédiaires. Tous ces gens pratiquent volontiers le contact avec la réalité ordinaire, à condition que ce soit à distance respectueuse, bien à l'abri de quelques forces de l'ordre judicieusement placées ou des vitres fumées de leurs voitures noires avec chauffeur. 

 

Alors, entre les produits des grandes écoles qui essaiment entre la haute fonction publique et les postes les plus élevés des plus grandes entreprise privées et publiques (ce qu’on appelle les « hauts fonctionnaires », alias « crânes d'oeuf »), d’une part, et d’autre part cette crème de la crème des élites proprement politiques qui proclament : « Le politique, c’est nous », admettez que ça commence à bien faire.

 

Le niveau scolaire moyen des Français étant ce qu’il est, admettez qu’on soit agacé de se faire faire des remontrances par des arrogants qui donnent l’impression de tout savoir. Si vous ajoutez le côté « Anciens des Grandes Ecoles » qui se tiennent les coudes, la mesure est comble.

 

L’homogénéité du « corps politique », qui tend à en faire un « corps chimiquement pur », se voit aussi à travers de curieuses réactions de solidarité corporatiste : dernièrement, jusqu’aux aveux de Jérôme Cahuzac, ce fut l’étrange modération de l’UMP, comme si Copé et ses sicaires avaient craint d’égratigner trop fort un « frère ». Il a fallu attendre, pour lâcher les chiens, que Cahuzac avoue. Les Serbes, les Hutus ont pratiqué l'épuration ethnique. Le système politique français pratique une épuration du même genre.

 

Il me semble que l’expression « corps politique » est d’une grande justesse, car elle rend bien compte du comportement spécifique : solidarité de corps face aux accusations de « tous pourris ! », accusations qui « font le lit du populisme, du Front National et de l’intolérance réunis » ; promptitude instantanée de réaction (intransigeance sur les principes) quand un membre de la caste se fait pincer sans doute possible : il faut réagir immédiatement, et expulser sans tarder le mouton noir pour protéger l'ensemble du peloton des dopés, pour dévier tous les soupçons sur le seul Richard Virenque, érigé en bouc émissaire.

 

Un corps étanche et homogène : « Que nul n'entre ici, s'il n'a pas » montré patte blanche, été dûment « adoubé » et n'a pas dûment juré « allégeance » ; en sont exclus (pas toujours séance tenante, cf. Georges Frêche, Jean Claude Guérini, car il y a la « présomption d’innocence ») ceux qui ont « failli ».

 

Le cas Cahuzac est éclairant : plus personne au PS ne le reconnaît dans la rue, surtout ceux qui, hier encore, lui tapaient sur l’épaule : « Coco, tu restes mon ami, je t'aime bien, mais il ne faudrait pas qu'on nous voie ensemble » (il faut s'appeler Julien Dray pour ne pas dire à Ségolène Royal qu'il a aussi invité Dominique Strauss-Kahn à son anniversaire, un vrai piège, dans lequel elle s'est vantée de ne pas être tombée).

 

Un corps étanche et homogène : ainsi fonctionne une mafia, ainsi fonctionne un parti politique, ainsi fonctionne une secte. Partout la même règle : soumission au parrain. C’est un « tout petit monde » où, d’un parti à l’autre, on se tutoie familièrement, on dîne ensemble, on se pique les femmes à l’occasion, et où l’agressivité et la violence sont là pour « faire le spectacle », quand le bon peuple est devant l’écran de télévision. Demandez à Daniel Cohn-Bendit combien il apprécie la table et la cave de Philippe de Villiers, tiens ! Cela vous épate ? C'est pourtant le fils de Villiers qui en parle. Les exemples foisonnent.

 

Conclusion : ceux qui constituent le corps politique sont trop peu nombreux, se connaissent tous trop bien et sont trop bien payés. En plus, ils ne quittent jamais la scène (je pense à Bernard Tapie, invraisemblable culbuto indéboulonnable). Un corps intellectuellement, socialement et culturellement d’une inquiétante homogénéité, du fait d’une sélection de type mafieux (ou incestueux ?).

 

Un corps tellement attaché aux avantages (je n’ai pas dit « privilèges », quoique …) liés aux belles fonctions que, quand on en détient une, on s’y accroche comme une moule à son rocher et que, si l’on a déplu, la relégation se fait sous la forme d’une promotion dans un placard honorifique (sans doute ce qui s'appelle « sortir de la crise pas le haut »).

 

Il faut que ces gens-là redescendent de leur Olympe. L'entarteur Noël Godin a montré la voie. Mais il faudrait que tout le monde, au jour le jour, puisse leur tirer les oreilles, leur cracher dessus à l'occasion, les engueuler le plus souvent, à la rigueur leur envoyer des oeufs et des tomates, en cas de surproduction agricole. Le jour où mon chien pourra, sans contravention, lever la patte sur la belle chaussure de Gérard Collomb (merdelion), je recommencerai à croire en la politique.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

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