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vendredi, 05 avril 2013

ART, INDIVIDU ET FOURMILIERE

 

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LE FAMAS (OU "CLAIRON"), AVEC OU SANS SON BIPIED, TIRE LA MUNITION 5,56 OTAN, VITESSE INITIALE 1300 METRES PAR SECONDE (environ), C'EST-A-DIRE JUSTE EN DESSOUS DE LA VITESSE DU SON, MAIS AUSSI UN TROU MINUSCULE POUR ENTRER, UNE EXCAVATION POUR SORTIR

***

 

L’innovation en art a deux fonctions : donner du boulot à toute la surpopulation que les progrès de la médecine ont donnée à l’humanité ; permettre aux petits gars dégourdis de délimiter un territoire qui n’appartienne qu’à eux, et à personne d’autre. Le mot d'ordre étant : « Individu über alles ». C'est l'hymne mondialisé de l'humanité radieuse (sur l'air de l'hymne allemand, cf. Haydn, opus 76 n°3, spécialement le 2ème mouvement, Poco adagio cantabile).

 

Pour ça, il n’y a pas à tergiverser : il faut ouvrir ! OUVRIR LES FRONTIERES. Cela commence par l'abolition des définitions, qui élèvent des frontières entre les mots.

 

La première frontière à ouvrir, c’est évidemment celle qui définit l’art lui-même. N’y allons pas par quatre chemins, mais par cinq.

 

ROTHKO 1 MARK.jpg1 – Premier chemin, les moyens propres de l’art. Tout doit être mis à contribution : la couleur, le trait, la surface, le support, les matières, etc. Une mine pour une première vague de spécialisations et de division du travail. On donnera la couleur à Rothko (ci-contre), à Klein et quelques autres. Le trait ? On va le donner à Twombly, tiens, que vous en semble, et quelques autres. Le mouvement ? A Pollock. La surface ? Olivier Debré ne ferait pas mal, qu’en penses-tu ? Je m’en charge. Pour résumer, ici, on se contente de quelques militants révolutionnaires de la tradition, de l’atelier, du chevalet et, disons-le, de l’Académie.

 

2 – Deuxième chemin : la réalité tout entière, minérale, végétale,BEUYS 4 PAPIER.jpg animale. La réalité, qu’on se le dise, est un grand artiste, le plus grand, le plus ingénieux, le plus plus. Rien ne surpasse. Cailloux, écorces, œil de tigre, algues entremêlées, tout doit y passer. Je n'énumère pas, on y serait jusqu'à la Toussaint. On va appeler Beuys et tous ses potes de l'arte povera (ci-contre, sa pile de papiers froissés).

 

CHAISSAC 1 GASTON.jpg3 – Troisième chemin : là, autant prévenir tout le monde, on commence à recruter hors des académies. On y fait même entrer des catégories de productions autrefois dignes de la poubelle, mais que les besoins de la cause ont hissées sur le piédestal qui annonce le musée historique. Commençons, si vous le voulez bien, par l’univers esthétique si charmant de nos chères têtes blondes. Le « style enfance de l’art » va faire fureur, je vous le promets. Là, Dubuffet, Chaissac (ci-contre) et compagnie feront merveille.

 

4 – Quatrième chemin : dans la même veine, nous appelons sur leERNST 1 MAX.jpg podium des formes réhabilitées, des cagibis empoussiérés d’une bourgeoisie arrogante, suffisante et colonialiste, un masque Tschokwé, une porte Dogon avec sa serrure, bref, tout ce que le primitif a bêtement entreposé dans ses greniers en termes d’ingéniosité formelle, de thèmes picturaux, et d’authenticité humaine. Toutes les ethnies que la Terre a portées sont invitées à mettre au pot. L'art occidental ne s'est pas privé de piquer dans la caisse (Max Ernst (ci-contre) et les surréalistes les premiers).

 

FOUS 1.jpg5 – Cinquième chemin : allons au bout de notre idée de recyclage des rebuts, et ouvrons une bonne fois pour toutes les asiles de fous, délions les camisoles de force, observons, avec André Breton et Paul Eluard, les pages admirables noircies par les malades mentaux (L’Immaculée conception, 1930), accrochons à nos cimaises les plus prestigieuses des hallucinations de nos grands schizophrènes. Eux aussi méritent d’apporter leur pierre à l’édifice.

 

La conclusion de ce panorama (incomplet, faut-il le dire ?), c’est que tout ce qui n’était pas de l’art est devenu de l’art. Si ça ne l’est pas encore devenu, ça a vocation à le devenir. Le char d’assaut de la modernité n’a pas fini d’écraser les vieux préjugés, pour faire surgir, devant nos yeux et nos oreilles ébahis et émerveillés, le resplendissant, étincelant musée de toutes les merveilles que l’humanité est allée récupérer au fond de ses poubelles, de ses écoles maternelles et de ses asiles de fous.

 

Cette débauche de récupération est évidemment mise au service des milliards de trajectoires individuelles qui n’attendaient que l’occasion de dessiner sur un sol appauvri les sinuosités désespérées de fourmis cherchant la brèche dans le lisse de la paroi qu’on ne sait quelle main invisible a dressée devant leurs ambitions.

 

Notons malheureusement que, en fait de trajectoires individuelles, le myrmécologue consciencieux a du mal à mettre un nom sur chacune des fourmis à l’œuvre dans la fourmilière.

 

A propos de notre fourmilière humaine, il y a fort à parier que le myrmécologue consciencieux portera, au bas de son rapport d’observation, la mention : « A perdu la boussole ».

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

NB (après-coup) : Le myrmécologue sera bientôt, fort heureusement, doté d'outils (avec la RFID, on y est presque) qui lui permettront de suivre n'importe quelle fourmi dans la fourmilière et de reconstituer l'intégralité de son parcours, seconde par seconde depuis sa naissance. Le progrès fait rage.

 

 

 

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