dimanche, 24 mars 2013
DE L'INFANTILE DANS LES ARTS
OBSERVONS UNE MINUTE DE SILENCE DEVANT CE DOUBLE PÉNIS, AUGMENTÉ D'UNE TROISIÈME JAMBE SORTIE D'ON NE SAIT OÙ.
(Pour ceux qui doutent, je tiens la référence du cliché à leur disposition.)
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Nous parlions donc de cette race un peu bâtarde, qui semble hésiter, sur le chemin de l’évolution darwinienne et de la sélection naturelle, entre l’enfant enfantin et le scientifique scientifique, la curieuse espèce qu’on appelle un « artiste contemporain ».
Comme l’enfant enfantin, il n’est soumis à aucune autre règle que son seul « bon plaisir ». Mais, contrairement au scientifique scientifique, il n’est contraint à observer aucun protocole expérimental. Cela revient à dire que toutes ses « expériences », par principe, réussissent. De son « laboratoire » ne sortent aucun déchet, aucun rebut, seulement les résultats de son « travail ».
Parmi ces résultats, de temps en temps, émerge une « œuvre d’art », qui fait « consensus » entre quelques « connaisseurs » (les nouvelles Akela et Bagherra) faisant autorité sur les « marchés » dards. En réalité, c’est très rare qu'un tel consensus s'établisse, et l'on n'évite pas le sectarisme des différentes meutes de louveteaux entre elles.
Mais si l'on éprouve un dédain pour l'ouvrage sorti des mains du moutard, il ne convient pas trop de le dire en public, sous peine de passer illico pour un Yanomami (si vous n'avez pas ça sous la main, prenez un Rakotofiringa ou un Pitiantiatiara) débarquant sans préparation dans un cours de Michel Foucault au Collège de France, pour entendre parler « De la confession à la direction de conscience » (cours du 19 février 1975, vous pouvez vérifier). La prudence, en la matière, recommande, par principe, de prononcer le mot « intéressant », si l'on ne veut pas que la marmaille se mette à piailler et à faire des caprices : cet âge est sans pitié.
La plupart du temps, le gamin intronisé « artiste contemporain » a du mal à convaincre le vulgum pecus, du fond de son laboratoire (autrement dit son bac à sable qu'il nomme « atelier d’artiste »), que le mariage de la carpe améliorée et du lapin génétiquement modifié, qu’il a concocté à force d'enfance conceptuelle et d'ingéniosité combinatoire, donne naissance à autre chose qu'un « truc », un « machin », même si le mioche se précipite : « Maman, maman, regarde comme c'est zoli ! - C'est magnifique, mon ange ! ». Le vulgum pecus, lui, gobe bien des choses, mais dans certaines limites.
Tiens, prenez par exemple, en musique, le cas de Monsieur Arnold Schönberg. Il y a fort à parier que, une fois son visage revêtu par l’âge du sérieux et de la sévérité nécessaires à ce que nul n’imagine qu’il pourrait plaisanter, il s’est vengé sur la gamme des souffrances endurées dans son enfance, quand son professeur de solfège lui faisait entrer dans le crâne, à coups de baguette sur les doigts, les 24 tonalités majeures et mineures, avec les altérations à la clé (fa, do, sol, ré, la, mi, si, et retour), et tout un tas de bricoles uniquement destinées à, disons-le, « faire chier les mômes ».
Et il a eu une idée que tous les adeptes du bac (à sable), surtout ceux qui l'ont eu avec mention Très Bien, auraient eu envie d’avoir à sa place. On va faire en musique ce que Mao Tsé Toung a fait en son temps pour les grades dans l’armée chinoise (tout le monde simple bidasse, y compris les généraux) et Nicolae Ceaucescu, pour les salaires de la population roumaine (tout le monde à 3000 lei [750 francs 1990], y compris les généraux). Les douze notes se sont d’un coup retrouvées toutes à égalité. Et sa maman l'a félicité de sa trouvaille. N'allez surtout pas chercher ailleurs les raisons du succès d'Arnold Schönberg.
On a eu beau appeler ça du nom compliqué de « dodécaphonisme » (bien un mot d'adulte, ça, pas mieux que « sérialisme » ou « atonalité »), on ne m’enlèvera pas de l’esprit l’impression que cette expérience – oui, juste de la « musique expérimentale », je veux dire, pour voir « comment ça ferait » – est typiquement une « idée de bac à sable », venue à l’enfant Schönberg qui avait des comptes à régler, au cours d’une de ces surenchères bien connues de tous ceux qui ont assisté à des jeux enfantins.
Le sérialisme comme « idée de bac à sable » : je crois qu'il y a là une idée à creuser sérieusement.
« Ouais, on ferait de la musique, mais y aurait pas de chef, et tout le monde jouerait les notes qu’il voudrait ». On sait en effet que le mode conditionnel est de rigueur dans les bacs à sable. D’ailleurs, si vous pointez l’oreille au milieu des pièces opus 19 (à la rigueur, on se rabattra sur l’opus 23), vous entendez distinctement les mômes, là-bas dans le fond, qui s’apostrophent au conditionnel (« Toi tu serais les voleurs, moi je serais les gendarmes »).
Ça va bien un moment, le spectacle des mômes au bac à sable.
Voilà ce que je dis, moi.
NB : je n'ai mentionné que l'ancêtre de tous les petits garçons et de toutes les petites filles qui, depuis cent ans, jouent à « faire de la musique » comme les grands, avant d'avoir appris, en utilisant pour cela le mixeur, les casseroles ou l'aspirateur de maman. Je n'ai pas parlé des petits garçons et petites filles qui ont sagement attendu d'être grands et d'avoir découvert ce que c'était vraiment que la musique, et appris dûment à en faire, sans casser les oreilles des adultes réunis au salon pour une soirée amicale. L'adulte raisonnable, soucieux de préserver les tympans de ses invités, se gardera bien de faire le cobaye, et renverra par conséquent jouer les autres garnements dans la chambre des enfants.
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